Maîtresse des Maîtresses

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Au hasard d’une ruelle mal famée dans le Paris de 1845, Baudelaire rencontre Jeanne Duval. Cette belle mulâtresse que le poète appellera la Maîtresse des Maîtresses et la Vénus Noire était une actrice sensuelle et fantasque qui lui révélera l’amour charnel et les fêtes du corps, et lui inspirera les plus beaux poèmes des Fleurs du Mal.
Elle était Haïtienne, née à Jacmel aux alentours de 1827. On ne sait trop quand et dans quelles conditions elle est arrivée à Paris où elle sera danseuse puis comédienne. Celle qui fut pendant dix-neuf ans la maîtresse du poète et qui partagea sa misère et ses excès, supporta sa jalousie et ses infidélités, endura sa folie et sa maladie au cours d’une liaison tempéstueuse, fut confrontée toute sa vie au racisme et au rejet de sa belle-famille.
Jeanne, dont Baudelaire ecrivait: "Même quand elle marche, on croirait qu’elle danse", moura infirme, alcoolique et syphilitique dans sa quarantaine, dans la misère et la solitude.
Bizarre déité, brune comme les nuits,
Au parfum mélangé de musc et de havane,
Quand vers toi mes désirs partent en caravane,
Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis. …Baudelaire

michèle voltaire marcelin

A l’insistance de Baudelaire, Manet la peindra à la fin de sa vie. Voilà comment le célèbre photographe Nadar raconte cette séance de pose:

"Au mois de juillet, profitant que Jeanne, après plusieurs crises de paralysie durant lesquelles elle ne pouvait absolument pas bouger, jouissait d’une amélioration momentanée de son état, il la traîna jusqu’à l’atelier de Manet, afin que le peintre fît son portrait. La scène était d’un grotesque macabre. Jeanne, qui avait voulu se faire belle, portait une robe des plus bizarres, toute blanche, formée d’un enchevêtrement de jupons froufroutants, et qui ressemblait à une robe de mariée. Elle avait en haut un gilet très décolleté, rayé de rubans bleus. Mais à l’intérieur de cet accoutrement, la mariée, qui n’avait plus vingt ans, avait l’air d’une morte. Manet, qui avait fait disposer un lit dans l’atelier, la fit s’allonger sur l’édredon vert dans sa robe de princesse. La jambe droite entravant le drap comme une pièce de bois égarée, et le bras droit posé sur la tête de lit avec l’élégance d’un pot de fleur. Le peintre la peignit telle qu’il la vit, c’est-à-dire comme un fantôme ou un squelette, le visage enfoncé et décati, le regard fixe, le teint livide et la bouche sévère, rendue inexpressive par la paralysie. Il intitula le tableau : La maîtresse de Baudelaire couchée.

2 Responses to “Maîtresse des Maîtresses”

  1. La première toile qui illustre le texte n’est pas un portrait de Jeanne Duval. C’est une toile du peintre mexicain Tamayo intitulée ‘Mujer’.

  2. Anonymous says:

    Une des plus belles histoire d’amour et de chaos que j’ai découvert, il y a peu.

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