Anna Magnani ~ Rome Ville Ouverte…

magnani5 C’est Anna Magnani qui m’a donné l’envie d’être comédienne.

Elle n’était pas belle, ce qui me donnait de l’espoir au temps où la beauté physique des comédiennes semblait un obstacle incontournable. Elle n’était pas belle; elle était pire. Elle avait une vérité dans son jeu et dans sa voix, une voix de gorge, rauque et profonde, de grands yeux cernés, une présence forte et une sensualité indéniable…

La première fois que je l’ai vue, elle jouait Pina dans "Ville Ouverte" et j’avais été bouleversée par une scène inoubliable:

Son mari est arrêté par les nazis et la voilà, elle court derrière le car des soldats, hurle son désespoir. Elle crie "Francesco! Francesco!" et puis elle est tuée en pleine rue par une rafale de mitraillette alors qu’elle tente de le rejoindre…

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Et cette image forte du film de Rossellini nous plonge tout de suite au coeur du drame:

Pendant l’hiver 1944, même si les Alliés n’y sont pas encore entrés, Rome est déclarée "Ville Ouverte" pour épargner son patrimoine. Mais la Gestapo rôde toujours et arrête les membres d’un réseau de résistants qui, tous, seront mis à mort…

Les Allemands perquisitionnent l’immeuble où habite Manfredi, un des chefs du Comité de Libération Nationale. Il a le temps de filer par les toits et se réfugie chez son ami Francesco qui doit épouser le lendemain sa voisine de palier, Pina. Manfredi confie à un prêtre, ami des résistants, la mission d’aller chercher à sa place une somme d’argent dans une imprimerie clandestine. Le lendemain, jour du mariage de Francesco et Pina, les soldats nazis cernent la maison. Manfredi s’échappe, mais Francesco est arrêté…

Diva de la scène et femme du peuple, la Magnani était une écorchée vive, indisciplinée, imprévisible, exubérante, excessive et insupportable. Mais c’était avant tout une formidable actrice. C’était une tornade, Anna Magnani.
Elle est morte à Rome en 1973 d’un cancer au pancréas, me laissant en héritage ses interprétations de femmes passionnées, au tempérament fort et attachant.

michèle voltaire marcelin

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Elle détestait la solitude et ses angoisses la poussaient vers des gigolos de passage:
"Je n’aime pas rester seule au lit avec la Magnani", disait-elle.

*"Elle parle. Elle jette sa vie sur sa langue. Elle a toujours voulu tout et tout de suite. Elle est une comédienne célèbre. Elle a beaucoup parlé avec les mots des autres. Elle n’avait pas le temps de sa propre vie, mais voilà que son corps l’a rattrapée, l’a même doublée. Elle met du passé dans ce présent trop mortel. Elle appelle ses amis : Fellini, Pasolini, Visconti. Elle sait qu’il est trop tard. Elle ne s’y résigne pas. Elle ne s’est jamais résignée."

Bernard Noël, La Langue d’Anna, 1998.

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