Esclaves au Paradis

batey
Nan mitan yon chan kann bò Igwey
An Dominikani
De Ayisyen chita nan w batey
Pye atè do touni
Youn ape pale

Youn ap koute
Yo pa fè bri
Van nan kann lan sèlman ki tande

Sa ya pe di
…………………..

Kouzen
Mwen sot fè tè Ayiti
Gen yon komisyon madanm ou voye ba w
Kouzen
Li lè pou tounen
Kouzen
Lè w ap janbe fwontyè
Menm si w pa poté anyen

Pa kité manchèt ou dèyè
Kouzen, kouzen, kouzen

Wa pran manchèt
Pou koupe bayawonn woy
Wa pran manchèt

Pou koupe move zeb woy

……………………………………..

Paroles et Musique
“Dwadelòm~Viejo”

Manno Charlemagne & Jean-Claude Martineau

 

« Regardez bien ces photos ! Regardez ces yeux : ils vous regardent, ils vous invitent à pénétrer dans le mystère de la souffrance. Regardez ces bouches : elles crient. Elles gueulent « C’est assez! C’est trop ! » Regardez ces mains, ces bras, ces corps. Ils sont l’image de la misère humaine. Ces photos d’enfants, de femmes et d’hommes parlent et nous disent ce que des monstres sont capables de faire avec les pauvres êtres humains pour produire toujours plus d’argent.

Derrière toutes ces photos, je contemple le même visage : le visage du Maitre. Celui qu’on a un jour cloué sur une croix. Oui ! Sur ces photos, je vois la croix du maitre de Nazareth. Une gigantesque croix pousse sans fin dans les bateys : la croix de l’humiliation, la croix de l’esclavage, la croix du mépris, la croix du racisme, la croix de l’oppression. J’ai eu la chance, la merveilleuse chance de vivre au pied de cette croix, de sentir le cœur du Christ palpiter dans les cœurs de ces victimes. J’ai eu la joie d’accompagner ces crucifiés dans leurs souffrances, dans leurs rêves, dans leur espoir. Jamais je n’ai jamais été aussi heureux qu’a leur cotés. Ces esclaves modernes débordent d’humanité. Ils respirent de dignité. Les photos que vous avez devant vous expriment aussi magnifiquement cette dignité.


Contemplez donc ces photos. Écoutez le cri des bateys. Aidez-nous à faire fleurir la croix des Bateys. Aidez nous a détruire l’esclavage ! Aidez-nous à faire en sorte que le sucre n’aie plus cette saveur de sueur et de sang. »

Pedro Ruquoy

Esclaves au Paradis

http://www.esclavesauparadis.org/

Céline Anaya Gautier et Esteban Colomar ont pu s’introduire, non sans risques, dans des camps de travail, les bateys, grâce à deux prêtres, Christopher Hartley et Pedro Ruquoy, présents sur le terrain pour aider, défendre ces hommes, femmes et enfants réduits en esclavage. Ils séjournent ainsi dans les bateys de la région frontalière dominico-haïtienne et dans la région de San Pedro de Macoris, de mars à mai 2005.

Ils partagent la vie des coupeurs de cannes haïtiens et des habitants des bateys. Ne devant pas être repérés pour leur propre sécurité, ils accompagnent comme « missionnaires », les deux pères catholiques, Hartley et Ruquoy. Leur reportage est un cri d’alerte. Ce qu’ils proposent comme photos et archives sonores est sans détour. Un témoignage cru, mais plein d’humanité, sur ce qui a été longtemps du domaine de l’inconcevable et du fantasme.

On y voit l’existence d’hommes, de femmes, d’enfants, résignés, terrifiés, réduits à l’état d’animaux de somme , considérés et destinés à finir leur vie comme tels, sans aucun recours depuis plusieurs générations et peut-être encore pour longtemps. Quelques semaines après ce reportage, le père Pedro Ruquoy est renvoyé en Belgique, après avoir partagé 30 ans de sa vie avec les coupeurs de canne. Il lui est reproché de trop médiatiser la situation des bateys. Certains industriels du sucre l’ont condamné à mort…

Le document qui tient lieu de bulletin de salaire est un ticket de pesée qui n’a cours qu’à l’épicerie de la plantation.”


Au superbe décor caraïbe de la République dominicaine, il y a un envers terrible. Des zones de non-droit, dans la construction ou dans les plantations de canne, les bateys, où vivent des Noirs. Exclusivement des Haïtiens. L’album de Céline Anaya Gautier (texte de Jean-Marie Théodat) , c’est d’abord la conclusion, d’une extrême densité, de mois et de mois passés dans ces bateys. Des mains qui parlent autant que les visages, des natures mortes à l’intérieur des cases…

Des femmes, quelques vieillards, des enfants apatrides, donc sans école et souvent sans soins, des hommes surtout : un monde d’hommes venus de Haïti pour la récolte, la zafra, et espérant, fortune faite, s’en retourner.La loi du sol s’imposait encore en 2004 . Sans conséquence pour les enfants haïtiens, à qui on refuse les papiers. En auraient-ils qu’ils ne seraient que des Dominicains très noirs, tout aussi expulsables de fait. Vers un pays dont certains ne connaissent pas la langue. Le gouvernement dominicain sait qu’il est hors la loi. Mais l’incapacité des autorités haïtiennes à protéger qui que ce soit et l’utilité de ces travailleurs sans droit comme bouc émissaire, dès que monte la tension sociale, valent bien quelques accrocs…

Christophe Wargny

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