Compère Jacques Soleil

” Pour moi, tout est toujours neuf sur la planète; tout m’étonne, tout m’affecte ou me ravit. Chaque jour, j’ai l’impression de naître dans un univers inédit, et il me suffirait d’apprendre à ouvrir les yeux avec une conception moniste du monde pour arriver à envisager et saisir à la fois l’arbre et la forêt.”

Jacques Stéphen Alexis fut porteur d’existences multiples. Son voyage vers la belle amour humaine lui permit de vivre les vies diverses du médecin guérisseur, du romancier alliant réalisme et merveilleux, de l’humaniste offrant à l’homme un plus grand espoir, du militant organisant un débarquement pour renverser la dictature – dernière aventure qui mit un point final à ce voyage par sa torture et son assassinat. L’ombre et la terreur ont cru éliminer “Compère Jacques Soleil”; elles n’ont pu tuer que son corps. L’organisme est mort, pas la vie. Il est de certains hommes comme des champs de canne. On peut les brûler jusqu’aux racines pour les détruire et voilà que repousse la canne plus belle et plus vivace, toutes saisons et toutes fleurs réunies. Hors du temps, de l’espace, et à travers son oeuvre, Jacques Stéphen Alexis n’en finit pas de nous crier ses mots réels et merveilleux.
Michè
le V. Marcelin
SOURCES et PHOTOS:
Archives de Gerard Bloncourt, CIDIHCA,
Les dossiers d’Île en île,Yves Chemla,
Armand Gatti et Alliance-Haïti
L’organisme meurt, pas la vie – Gilles Deleuze   –   Toutes saison, toutes fleurs reunies – Raymond Chassagne



“Je ne suis jamais arrivé à établir de cloisonnement entre mon activité scientifique, mon travail de médecin, de neurologue et de psychiatre d’une part, et mon labeur, ma création de romancier d’autre part; j’ai le sentiment que mon activité s’exerce en un domaine unique: le domaine de l’humain.”


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Jacques Stéphen Alexis, homme d’espoir

 

sa m kapab di

sa m janm kapab di
ki ta vo kouray
jak aleksi
yo bat li jouk grenn je l
sot tonbe nan men l
li tap di nou toujou kenbe
m ekri pou nou kenbe
an nou touye laront
pou laront pa touye nou

feliks moriso lewa
dyakout 2
[que pourrais-je dire/que pourrais-je jamais dire/qui vaudrait le courage de jacques alexis/ils l’ont battu jusqu’à ce que son oeil lui tombe dans la main/ il nous avait dit: gardez toujours votre courage/j’écris pour vous donner du courage/tuons la honte pour que la honte ne nous tue pas – traduction m. marcelin]
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Descendant de Jean-Jacques Dessalines, fondateur de l’indépendance d’Haïti, Jacques Stéphen Alexis, né en 1922 aux Gonaïves, est aussi le fils de l’historien, journaliste et diplomate Stéphen Alexis. Son enfance et sa formation d’adolescent ont été fortement marquées par l’influence de sa famille, par l’occupation nord-américaine de 1915-1934 et par l’emprise intellectuelle qu’eut sur lui l’écrivain Jacques Roumain.
Au cours de son enfance, qui se déroula dans le cadre familial de Pont l’Ester, Alexis put entendre battre les tambours du cérémonial vaudou et écouter la musique et les récits transmis dans les campagnes par les simidors. C’est sans doute à cette époque qu’il acquiert cet amour viscéral de son pays qui ne le quittera jamais, et qui englobait aussi bien la terre natale que la communauté humaine avec toutes ses contradictions.

Il grandit à l’ombre de la politique, dans l’entourage de la presse et du bouillonnement culturel que suscita la résistance à l’occupation. Son père ayant été nommé ambassadeur à Londres, Alexis va commencer ses études à Paris. De retour en Haïti, il s’inscrira à la Faculté de Médecine de Port-au-Prince.
la Une de La Ruche
Alexis a vingt-trois ans! L’âge d’or! Il collabore à différentes revues littéraires, fonde La Ruche – qui aura pour mission de faire refleurir un printemps littéraire et social- et joue un rôle important dans la révolution de 1946, responsable de la chute du gouvernement d’Elie Lescot.



Jacques-Stéphen Alexis, Georges Beaufils, Gérald Bloncourt, Théodore Baker et Gérard Chenet – 11 janvier 1946.La révolution haïtienne de 1946, connue sous le nom des « Cinq Glorieuses » était une révolte d’étudiants et de jeunes intellectuels. Le mouvement se répandit dans la population de Port-au-Prince et des environs et aboutit au départ du Président Elie Lescot.
Que faire de ces activistes encombrants? Certains seront arrêtés, d’autres exilés. Pour éloigner Alexis, le gouvernement d’Estimé lui accorde, comme à son ami René Depestre, une bourse d’étude pour l’étranger. Alexis part faire sa spécialisation en neurologie à Paris où il fréquente Aragon, Senghor, Césaire, ainsi que les écrivains latino-américains Guillén, Neruda et Amado. Il continue à militer dans les organisations de gauche et s’inscrit au Parti Communiste Français en 1949.

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Il rédige son premier roman, Compère Général Soleil. Publié à Paris en 1955, il place Alexis d’emblée parmi les grands écrivains de la région des Caraïbes. Son message? Gardez l’espoir! Lui qui écrit pour changer le passé est doté d’un sens aigu du sacrifice et l’engagement est inscrit en permanence dans son oeuvre.
Lors du mémorable Premier Congrès des écrivains, artistes et intellectuels noirs, tenu en 1956 à la Sorbonne, Alexis explore de façon décisive le concept-clé du réalisme merveilleux qui permet d’appréhender et de réinterpréter “cette sensibilité particulière des Haïtiens, fils de trois races et de combien de cultures”.

La publication en 1957 de son deuxième roman Les Arbres musiciens , le consacre définitivement. Le roman nous entraîne dans l’époque de la campagne dite “anti-superstitueuse” qui suit les menées americaines visant à déposséder les paysans de leurs terres.
Le dernier, L’Espace d’un cillement , est publié en 1959.
La Niña Estrellita, jeune prostituée mulâtresse, est la vedette du Sensation Bar à Port-au-Prince. Un jour, elle y rencontre un mécanicien progressiste, El Caucho. Ils deviennent amoureux l’un de l’autre au premier regard et décident de vivre ensemble… l’espace d’un cillement.

Romancero aux étoilesSon dernier ouvrage Romancero aux étoiles, paru en 1960, est un recueil de contes qui plongent le lecteur dans l’univers fabuleux des Caraïbes.
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A son retour en Haïti, constatant que le régime duvaliériste s’est transformé en dictature sanglante, il repart pour Moscou et Pékin dans l’espoir de se procurer les moyens de former un corps expéditionnaire afin de renverser Duvalier.

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En avril 1961, il est à Cuba d’où il s’embarque avec quatre camarades: Charles Adrien-Georges, Guy Béliard, Hubert Dupuis-Nouillé et Max Monroe. Ils débarquent sur la côte nord-d’ouest d’Haïti -la plage de Bombardopolis- possiblement avec l’objectif de rallier le hounfort Souvenance (dédié aux loas racines des Alexis) et organiser la lutte contre François Duvalier. Dénoncés par les paysans, les cinq hommes seront immédiatement capturés, sauvagement torturés, et exécutés par les Tontons Macoutes. Alexis a alors 39 ans.


Auto-proclamé “le Grand Electrificateur”, François Duvalier instaure en Haïti une dictature féroce, dont l’usage et l’ampleur de la violence font oublier tous les régimes autoritaires traditionnels et sanguinaires qui l’ont précédée. Duvalier, né en 1907, médecin et ethnologue, règne en président à vie d’Haïti du 22 octobre 1957 au 21 avril 1971, date de sa mort. Son fils Jean-Claude, alors âgé de 19 ans, lui succède comme président à vie jusqu’au 7 février 1986. Pendant 29 ans, Papa Doc et Baby Doc édifient dans la première république noire des Amériques un empire obscurantiste qui plonge le pays dans la plus grande terreur.

Moins d’un an avant sa mort atroce, Alexis écrivait cette lettre au Président Duvalier:

Pétion Ville, le 2 juin 1960

À son Excellence
Monsieur le Docteur François Duvalier
Président de la République
Palais NationalMonsieur le Président,Dans quelque pays civilisé qu’il me plairait de vivre, je crois pouvoir dire que je serais accueilli à bras ouverts : ce n’est un secret pour personne. Mais mes morts dorment dans cette terre ; ce sol est rouge du sang de générations d’hommes qui portent mon nom ; je descends par deux fois, en lignée directe, de l’homme qui fonda cette patrie, aussi j’ai décidé de vivre ici et peut-être d’y mourir. Sur ma promotion de vingt-deux médecins, dix-neuf vivent en terre étrangère. Moi, je reste, en dépit des offres qui m’ont été et me sont faites. Dans bien des pays bien plus agréables que celui-ci, dans bien des pays où je serais plus estimé et honoré que je ne le suis en Haïti, il me serait fait un pont d’or, si je consentais à y résider. Je reste néanmoins.Ce n’est certainement pas par vaine forfanterie que je commence ma lettre ainsi, Monsieur le Président, mais je tiens à savoir si je suis ou non indésirable dans mon pays. Je n’ai jamais, Dieu merci, prêté attention aux petits inconvénients de la vie en Haïti, certaines filatures trop ostensibles, maintes tracasseries, si ce n’est les dérisoires avanies qui sont le fait des nouveaux messieurs de tous les pays sous-développés. Il est néanmoins naturel que je veuille être fixé sur l’essentiel.Bref, Monsieur le Président, je viens au fait. Le 31 mai, soit avant-hier soir, au vu et au su de tout le monde, je déménageais de mon domicile de la ruelle Rivière, à Bourdon, pour aller m’installer à Pétion Ville. Quelle ne fut pas ma stupéfaction d’apprendre que le lendemain de mon départ, soit hier soir, mon ex-domicile avait été cerné par des policiers qui me réclamaient, à l’émoi du quartier. Je ne sache pas avoir des démêlés avec votre Police et de toutes façons, j’en ai tranquillement attendu les mandataires à mon nouveau domicile. Je les attends encore après avoir d’ailleurs vaqué en ville à mes occupations ordinaires, toute la matinée de ce jourd’hui 2 juin.

Si les faits se révélaient exacts, je suis assez au courant des classiques méthodes policières pour savoir que cela s’appelle une manoeuvre d’intimidation. En effet, j’habite à Pétion Ville, à proximité du domicile de Monsieur le Préfet Chauvet. On sait donc vraisemblablement où me trouver, si besoin réel en était. Aussi si cette manoeuvre d’intimidation, j’ai coutume d’appeler un chat un chat, n’était que le fait de la Police subalterne, il n’est pas inutile que vous soyez informé de certains de ces procédés. Il est enseigné à l’Université Svorolovak dans les cours de technique anti-policière, que quand les Polices des pays bourgeois sont surchargées ou inquiètes, elles frappent au hasard, alors qu’en période ordinaire, elles choisissent les objectifs de leurs coups. Peut-être dans cette affaire ce principe classique s’applique-t-il, mais Police inquiète ou non, débordée ou non, je dois chercher à comprendre l’objectif réel de cette manoeuvre d’intimidation.

Je me suis d’abord demandé si l’on ne visait pas à me faire quitter le pays en créant autour de moi une atmosphère d’insécurité. Je ne me suis pas arrêté à cette interprétation, car peut-être sait-on que je ne suis pas jusqu’ici accessible à ce sentiment qui s’appelle la peur, ayant sans sourciller plusieurs fois regardé la mort en face. Je n’ai pas non plus retenu l’hypothèse que le mobile de la manoeuvre policière en question est de me porter à me mettre à couvert. J’ai en effet également appris dans quelles conditions prendre le maquis est une entreprise rentable pour celui qui le décide ou pour ceux qui le portent à le faire. Il ne restait plus à retenir comme explication que l’intimidation projetée visant à m’amener moi-même à restreindre ma liberté de mouvement. Dans ce cas encore, ce serait mal me connaître.

Tout le monde sait que pour qu’une plante produise à plein rendement, il lui faut les sèves de son terroir natif. Un romancier qui respecte son art ne peut être un homme de nulle part, une véritable création ne peut non plus se concevoir en cabinet, mais en plongeant dans les tréfonds de la vie de son peuple.L’écrivain authentique ne peut se passer du contact journalier des gens aux mains dures – les seuls qui valent d’ailleurs la peine qu’on se donne – c’est de cet univers que procède le grand oeuvre, univers sordide peut-être mais tant lumineux et tellement humain que lui seul permet de transcender les humanités ordinaires. Cette connaissance intime des pulsations de la vie quotidienne de notre peuple ne peut s’acquérir sans la plongée directe dans les couches profondes des masses. C’est là la leçon première de la vie et de l’oeuvre de Frédéric Marcelin, de Hibbert, de Lhérisson ou de Roumain. Chez eux, les gens simples avaient accès à toute heure comme des amis, de même que ces vrais mainteneurs de l’haïtianité étaient chez eux dans les moindres locatis des quartiers de la plèbe. Mes nombreux amis de par le vaste monde ont beau s’inquiéter des conditions de travail qui me sont faites en Haïti, je ne peux renoncer à ce terroir.

Egalement, en tant que médecin de la douleur, je ne peux pas renoncer à la clientèle populaire, celle des faubourgs et des campagnes, la seule payante au fait, dans ce pays qu’abandonnent presque tous nos bons spécialistes. Enfin, en tant qu’homme et en tant que citoyen, il m’est indispensable de sentir la marche inexorable de la terrible maladie, cette mort lente, qui chaque jour conduit notre peuple au cimetière des nations comme les pachydermes blessés à la nécropole des éléphants. Je connais mon devoir envers la jeunesse de mon pays et envers notre peuple travailleur. Là non plus, je n’abdiquerai pas. Goering disait une fois quand on cite devant lui le mot culture, il tire son révolver ; nous savons où cela a conduit l’Allemagne et l’exode mémorable de la masse des hommes de culture du pays des Niebelungen. Mais nous sommes dans la deuxième moitié du XXème siècle qui sera quoiqu’on fasse le siècle du peuple roi. Je ne peux m’empêcher de rappeler cette parole fameuse du grand patriote qui s’appelle le Sultan Sidi Mohamer Ben Youssef, parole qui illumine les combats libérateurs de ce siècle des nationalités malheureuses. ” Nous sommes les enfants de l’avenir !”, disait-il de retour de son exil en relevant son pitoyable ennemi, le Pacha de Marrakech effondré à ses pieds. Je crois avoir prouvé que je suis un enfant de l’avenir.

La limitation de mes mouvements, de mes travaux, de mes occupations, de mes démarches ou de mes relations en ville ou à la campagne n’est pas pour moi une perspective acceptable. Je tenais à le dire. C’est ce qui vaut encore cette lettre. J’en ai pris mon parti, car la Police, si elle veut, peut très bien se rendre compte que la politique des candidats ne m’intéresse pas. La désolente et pitoyable vie politicienne qui maintient ce pays dans l’arriération et le conduit à la faillite depuis cent cinquante ans n’est pas mon fait. J’en ai le plus profond dégoût, ainsi que je l’écrivais, il y a déjà près de trois ans.
D’aventure, si, comme en décembre dernier, la douane refuse de me livrer un colis – un appareil de projection d’art que m’envoyait l’Union des Ecrivais Chinois et qu’un des nouveaux messieurs a probablement accaparé pour son usage personnel -, j’en sourirai. Si je remarque le visage trop reconnaissable d’un ange gardien veillant à ma porte, j’en sourirai encore. Si un de ces nouveaux messieurs heurte ma voiture et que je doive l’en remercier, j’en sourirai derechef. Toutefois, Monsieur le Président, que je tiens à savoir si oui ou non on me refuse le droit de vivre dans mon pays, comme je l’entends. Je suis sûr qu’après cette lettre, j’aurai le moyen de m’en faire une idée. Dans ce cas, je prendrai beaucoup mieux les décisions qui s’imposent à moi à la fois en tant que créateur, que médecin, qu’homme et que citoyen.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations patriotiques et de mes sentiments distingués.

Jacques Stéphen ALEXIS

(Image – Rolf Sambale)
Alexis restera dans l’histoire des lettres haïtiennes à plusieurs titres: l’un des tous premiers écrivains d’Haïti à atteindre une renommée internationale -ses livres, publiés chez Gallimard, sont encore disponibles plus de trente ans après sa mort- ; son oeuvre présageait les nouvelles directions qu’allait prendre le genre narratif haïtien; il est l’un des rares écrivains du pays à avoir produit des réflexions théoriques sur la littérature; enfin, sa mort atroce aux mains de la tyrannie a inscrit son nom au martyrologe des écrivains qui sont tombés pour la dignité humaine.

Texte de Jacques-Stéphen Alexis, écrit pour Présence Africaine (1957)
Le roman correspond à un vieux besoin des hommes, celui de dresser des affabulations qui reproduisent le mouvement de leurs vies et de leurs rêves. Le roman, c’est la conciliation de l’imaginaire et du réel, il est éternel comme notre goût des belles histoires, notre incorrigible propension au conte et à la légende. C’est un vin nouveau que nous autres, romanciers de jeunes cultures, avons à offrir au monde. C’est toute la vie âpre, drue, colorée, païenne, piaffante, musicienne, poétique, tragique, combattante, chienne et fée, que nous devons mettre en scène. Nos peuples aux poings liés, aux pieds entravés et aux bouches bâillonnées ont besoin de nous. Artistes nous sommes, et en artistes conscients de la difficulté et de la complexité de l’oeuvre d’art, nous devons travailler à dénoncer l’aliénation raciste, colonialiste, impérialiste. Pour ce faire, le réalisme est notre seule chance. Il n’est pas vrai que la réalité quotidienne soit anti-artistique. L’art est un combat avec l’ange, il faut être difficile avec soi-même, se surpasser par l’assimilation d’une optique juste de la création et vaincre les difficultés qui nous assaillent.

Comme tous les jeunes Haïtiens, depuis mon enfance l’influence des conteurs populaires de chez nous m’a marqué. Bien plus, ayant eu des contacts fréquents et prolongés avec la vie rurale, les paysans et les petites gens de chez nous, cette empreinte a été particulièrement forte. De ces conteurs qui ont bercé ma jeunesse, j’ai pris le goût d’interpréter la réalité nationale avec une certaine tendance philosophique. Sans que cela n’aboutisse à un procédé scolastique ou apparent de l’histoire racontée par nos simidors, nos composes et nos tireurs se dégagent toujours trois questions angoissantes: Qu’est l’homme? Où va-t-il? Comment vivre? Dans mon oeuvre je crois que l’on peut toujours trouver ces questions et des réponses précises. Ces conteurs m’ont également donné conscience de la réalité sociale. La merveille est le vêtement dans lequel certains peuples enferment leur sagesse et leur connaissance de la vie. Pour notre peuple les vents, les fleuves, les saisons, les éléments sont des personnages vivants qui interviennent dans la vie des hommes; pourrais-je rester fidèle à la symbolique de la vie du peuple que je veux servir et aider si j’employais une forme étrangère à leur démarche de pensée?

SOURCES et PHOTOS:
Archives de Gerard Bloncourt, CIDIHCA,
Les dossiers d’Île en île,Yves Chemla,
Armand Gatti et Alliance-Haïti
L’organisme meurt, pas la vie – Gilles Deleuze

Toutes saison, toutes fleurs reunies – Raymond Chassagne

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